1 mai 2023 eric

Pourquoi les franchiseurs devraient envisager d’obtenir la certification B Corp ?

SOMMAIRE

Comme toute entreprise, les réseaux de franchise sont aujourd’hui invités à montrer leur motivation sur le terrain de la RSE. Au-delà des réglementations concernées qui se sont imposées à eux (fin du ticket de caisse papier, fin de la vaisselle jetable…), ils peuvent être aussi tentés de faire certifier leur activité pour donner des gages à leurs parties prenantes.

Mais devant le foisonnement des certifications et autres labels, ils peuvent éprouver des difficultés à choisir et à se lancer, parmi toutes celles existantes, j’ai choisi de vous parler de B Corp.

Créée en 2006 outre-Atlantique, B Corp certifie les entreprises commerciales qui se fixent des objectifs extra financiers sociaux ou environnementaux, et qui répondent à des critères exigeants en matière de responsabilité et de transparence.

Présenté comme aussi structurant que vertueux, je me suis penché sur ce sésame.

Cet article vous détaille ses conditions d’obtention, ses avantages, et vous livre le témoignage de Marie Gandouet Le Jehan, expert-comptable et fondatrice de Beecount, qui accompagne ce type de projets.

Bonne lecture,

Laurent Delafontaine.

I/ B Corp, what’s that ?

Une approche vertueuse et d’ampleur inédite

Le label B Corp (Benefit Corporation) est né à Philadelphie (USA) sous l’impulsion de trois entrepreneurs, Bart Houlahan, Jay Coen Gilbert et Andrew Kassoy. Leur objectif est alors de certifier les entreprises privées qui sauront intégrer des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux dans leur mission, leur modèle économique, leurs effectifs, leurs produits ou services.

“Ne pas chercher à être la meilleure entreprise du monde, mais à être la meilleure pour le monde”.

Avec B Corp le profit n’est plus, une fin en soi. On veut promouvoir des business models vertueux, où la parité et l’équité sont assurées, la pauvreté limitée, les emplois de meilleure qualité et l’écologie préservée.

Géré par l’ONG B Lab, le mouvement B Corp fédère déjà plus de 5 000 entreprises de toutes tailles et tous secteurs dans 77 pays. En France, 9 200 organisations se sont adossées à son référentiel commun et +200 sont aujourd’hui certifiées.

B Corp, un label de plus ?

Pourtant, les labels orientés RSE, RSO ou développement durable ne manquent pas (ISO 26000, SD 21000, GRI de l’AFNOR, EcoVadis, Lucie…). Mais outre sa reconnaissance internationale, B Corp est le seul à intégrer depuis sa création des notions très en vogue aujourd’hui comme l’impact positif, l’entreprise à mission ou la raison d’être.

Son niveau d’exigence demande non seulement à ses postulants d’améliorer concrètement leurs pratiques, mais aussi de démontrer – preuves à l’appui – comment ses principes se traduisent dans ses pratiques de production, de gestion ou de management. Fini le greenwashing…

II/ Qui peut devenir une B Corp ?

Des critères d’éligibilité accessibles

B Corp concerne les entreprises :

  • À but lucratif (SA, SAS, SCOP) ;
  • Ayant plus d’un an d’existence (une certification « Pending B Corp » permet aux autres de s’inspirer des bonnes pratiques avant de prétendre à B Corp) ;
  • Et dotées de pratiques responsables et d’objectifs extra-financiers sociaux, environnementaux, de gouvernance et de transparence forts.

Le monde compte des entreprises internationales labellisées comme Ben & Jerry’s (score de 96), Nespresso (84.3), Openclassrooms (101.2), Patagonia (151.4) ou Ulule (80.1).

En France, Blédina (filiale de Danone comptant 1.500 salariés, et réalisant 635 millions de CA) est la plus grosse entreprise certifiée (score de 99,4), aux côtés de noms reconnus : Big Mamma (96.5), Caisse d’Epargne Hauts de France (85), Camif Matelsom (82.6), Chloé (85.2), Expanscience (108.5), Le Slip Français (82.4), Vestiaire Collective (89.4), Welcome to the Jungle (80.2)…

Un cadre de certification complet

Le postulant doit commencer par répondre à un questionnaire (ou BIA) de 200 questions réparties en 5 piliers :

Domaine

Périmètre

1/ Gouvernance

· Dans sa mission globale, son éthique, sa responsabilité, la transparence et la manière dont l’entreprise intègre sa vision et ses valeurs dans ses statuts.

2/ Collaborateurs

· Avec les moyens mis en place pour de meilleures conditions de travail (environnement, rémunération, avantages sociaux, formations, santé, sécurité, etc.). 

3/ Collectivité

· Avec l’impact sur le bien-être économique et social des communautés dans lesquelles elle opère.

4/ Environnement

· Pour une économie durable et régénératrice (réduction de l’empreinte carbone, l’impact sur l’air, le climat, l’eau, la terre et la biodiversité). 

5/ Clients

· Avec des produits et des services qui soutiennent le bien commun.

Pour demander à être certifié, vous devez obtenir plus de 80 points, quand la moyenne des notes enregistrées est de 55… Ce référentiel est donc un excellent outil d’auto-diagnostic et vous offre un étalonnage aux acteurs de votre secteur.

Disponible gratuitement sur Internet, le questionnaire est réévalué tous les 2 ans sur un mode participatif, car la communauté B-Corp se réunit en groupes de travail pour améliorer ses pratiques.

Enfin, la certification est valable 3 ans.

Franchiseurs, vous êtes curieux de vous tester ? C’est par ici. Nous serions heureux de connaître votre score ensuite 😊

III/ Les conditions d’obtention de la certification

Un process de certification rigoureux

Votre certification est l’aboutissement de 4 étapes :

1/ L’évaluation

Si vous avez obtenu un score supérieur à 80 sur 200, vous remplissez un questionnaire de divulgation. Le B-Lab vérifie de son côté votre éligibilité.

2/ La comparaison

Vous pouvez observer les résultats et faire un benchmark sur 40 000 autres entreprises. Deux rapports sont également transmis :

  • Le « A Snapshot Report » donne un regard sur ce dans quoi vous excellez, et inversement les pratiques que vous devriez améliorer ;
  • Le « B Impact Report » offre un regard plus global sur les résultats obtenus par l’entreprise dans l’ensemble. 

3/ L’amélioration

Vous planifiez les améliorations à apporter (actions concrètes, documents légaux…)

4/ La certification

Votre entreprise passe enfin un audit de vérification (effectué par l’équipe du Standard’s Trust) pour valider son score et les exigences de transparence. La labellisation est officielle une fois que vous signez les conditions et la Déclaration d’interdépendance B Corp, et que vous vous serez acquitté des frais annuels de certification.

Enfin, vos résultats sont affichés publiquement, indiquant leurs performances sur des thématiques précises.

Processus de labellisation B-Corp

Des coûts à prévoir qui restent raisonnables

Pour être certifié, il faut compter :

1/ Des frais de soumission de 250 à 900 € selon votre tranche de chiffre d’affaires ;

2/ Des frais annuels de certification allant de 2 000 à 50 000 €, toujours selon votre CA. 

3/ Des frais de vérification additionnels, dans certains cas (organisations multinationales).

Mais il faut souvent rajouter le temps passé sur le projet d’obtention du label ainsi que parfois l’interevntion d’expert pour vous aider à l’obtenir.

Une démarche qui prend du temps

Sans surprise, le processus de certification dépend de la taille et de la complexité de votre entreprise : plus elle est grande et liée à plusieurs entités, plus le processus sera long.

Enfin, si compléter le BIA ne prend au minimum que quelques heures, le processus de vérification lui, ira de quelques semaines à plusieurs mois.

IV/ Quels sont les avantages à jouir du statut B Corp ?

Les bénéfices génériques

Se certifier B Corp procure un avantage concurrentiel multiple :

  • Encourager à initier une démarche RSE, car B Corp certifie l’entièreté des performances sociales et environnementales d’une entreprise ;
  • Enclencher un travail d’amélioration et d’innovation continues ;
  • Démontrer, quand on est une start-up, que l’on s’inscrit dans de solides habitudes de gestion ;
  • Créer un élément différenciateur au sein d’une industrie, du moins au début car la communauté s’étend immanquablement ;
  • Rejoindre une communauté d’affaires active, qui se réunit régulièrement, partage ses meilleures pratiques voire développe des partenariats, comme Nature & Découvertes avec MicroDon et WattValue (ce dernier gère son approvisionnement en énergie) ;
  • Améliorer la visibilité et la notoriété d’une marque sur ses marchés ;
  • Attirer des clients qui privilégient les entreprises éthiques et responsables, notamment lors des processus d’appels d’offres ;
  • Attirer des fournisseurs sensibles à ces questions ;
  • Attirer des investisseurs et des donateurs désirant soutenir des projets à impact social ou environnemental ;
  • Attirer des opportunités d’affaires à l’international si l’entreprise exporte, puisque le label est aujourd’hui présent dans 77 pays ;
  • Attirer et fidéliser les collaborateurs engagés, et les talents de plus en plus nombreux à privilégier les organisations certifiées ;

Si devenir B Corp demande aux entreprises labellisées un gros effort sur elles-mêmes, elles y voient aussi un excellent investissement, et pas simplement en image.

Les bénéfices particuliers aux franchiseurs

Professionnels des réseaux, réjouissez-vous : l’ensemble des bénéfices évoqués s’appliquent à vous et, selon les cas, à vos franchisés ! Mais on peut aussi ajouter d’autres éléments bien spécifiques :

Consultez un expert en franchise pour en savoir plus.

Quels champions le label distingue-t-il dans le milieu de la franchise ?

On recense aujourd’hui notamment les réseaux suivants :

Enseigne certifiée

Score obtenu

Enseigne certifiée

Cojean

87,8

06/2019

Faguo

83,8

06/2021

La Ruche qui dit oui

ND

2017

Naturalia

80,1

03/2021

Nature & Découvertes

86,5

06/2015

Truffaut

82,3

05/2022

Bon, ce n’est pas énorme mais la liste devrait s’allonger très rapidement…

Vous recherchez une B Corp en particulier ? Consultez le moteur de recherche de la B Corporation.

La démarche vous tente ? Vous avez besoin de faire le point sur vos pratiques éligibles ? Contactez-nous !

V/ Interview de Marie Gandouet Le Jehan (Beecount)

Marie, pourquoi avoir choisi d’accompagner les entreprises à la certification B Corp ?

En attestant la véracité des données comptables et financières des entreprises, les experts-comptables sont de véritables tiers de confiance pour leurs clients. Or la certification B Corp vient précisément mesurer et valoriser ce que font les entreprises en matière extra-financière.

A mes yeux, ce rôle et cette posture de l’expert-comptable sont pertinents dans un nombre croissant de domaines, qu’il s’agisse de RSE ou de transformation digitale. Dans ce dernier cas, nous accompagnons depuis longtemps nos clients au déploiement de nouvelles solutions qui vont impacter leurs usages professionnels, avec des process, de la documentation, etc.

Car nous avons tout intérêt à accompagner ces mutations. Et de par notre rigueur, notre capacité à appliquer des référentiels, à déployer des méthodologies, ou encore notre connaissance intime du fonctionnement des entreprises, nous avons la crédibilité pour y participer.

Selon vous, en quoi les structures en réseau comme les franchises pourraient tirer parti d’une certification B Corp ?

On observe que pour tout type d’entreprise, la labellisation devient incontournable. Il s’agit de donner des gages à ses parties prenantes, en premier lieu ses clients et ses talents. Mais aujourd’hui, c’est plus large : je le constate sur mes dossiers, par exemple, avec les acteurs de l’écosystème financier (banques, régions, fonds…).

Vouloir devenir B Corp, c’est s’inscrire dans une façon vertueuse et durable de mener son business – ce qui revient souvent aussi à formaliser et entériner des pratiques existantes. C’est une démarche clarifiante, professionnalisante, décloisonnante et mobilisatrice pour un modèle d’organisation réputé décentralisé et générateur de pratiques hétérogènes.

Autre point, l’intérêt commercial. Aujourd’hui, les réponses aux appels d’offre demandent de plus en plus des gages d’inscription dans le « monde d’après », et B Corp y aide beaucoup. Les entreprises déjà certifiées se connaissent entre elles, elles forment une « communauté éclairée » et travaillent plus facilement ensemble. Le fait d’être « moins » ou même « mieux-disant » passe quelque part au second plan. Personnellement je n’ai pas de problèmes à payer plus cher certains services à partir du moment où les fonds employés vont à une cause qui me parle, font bouger les choses. Et lorsque demain les certifiés seront nombreux, les non-certifiés se seront exclus du jeu…

Enfin, j’y vois aussi un excellent moyen de créer de la valeur immatérielle. En travaillant sur vos processus et vos pratiques pour obtenir ce label, vous donnez plus de sens à votre concept, et augmentez le « goodwill » attaché à votre marque enseigne !

Concrètement, comment une enseigne doit-elle s’y prendre ?

Tout d’abord, n’importe qui peut se rendre sur le site de B Lab France, consulter le référentiel et s’exercer à répondre. Vous obtiendrez un premier score et vous ferez une idée réaliste d’où vous en êtes. Ça prend quand même 2 jours, si vous voulez passer correctement en revue les 200 questions, sachant aussi que certaines sont à tiroir… A ce premier stade, vous avez très peu de chances d’atteindre le score de 80, qui vous permet de postuler à la certification. Il vous faudra travailler différents points pour décrocher ce graal.

L’étape d’après consiste justement à déterminer dans quelles directions porter votre effort. L’avantage avec B Corp est que le référentiel est suffisamment large pour pouvoir choisir selon votre culture, votre secteur, votre business model, votre ADN… là où cela aurait du sens de vous améliorer pour atteindre ce score. Aimeriez- vous adapter vos statuts ? Faire des dons à certaines associations ? Fournir tels nouveaux services à vos collaborateurs… ? etc. Contrairement à une démarche qualité, vous choisissez vos combats selon qui vous êtes et là où vous voulez être dans 20 ans, sans schizophrénie, mais en toute soutenabilité !

Ensuite, vous devrez préparer l’analyse des certificateurs en réunissant les preuves et les justificatifs de vos dires, sur les différents points où vous vous positionnez. Si et seulement si leur audit est concluant sur ces points, vous serez certifiés. A l’opposé du greenwashing, B Corp repose sur une démarche documentée et opposable.

Du coup, comment la certification s’organise-t-elle entre franchiseur et franchisé ?

Les deux parties d’un réseau de franchise étant juridiquement indépendantes, elles doivent mener leurs démarches séparément, puisque c’est le dirigeant légal qui s’engage. Il y a bien 2 certifications distinctes et du coup, 2 cas de figure se posent :

1/ Le franchiseur se certifie d’abord, puis il en fait un argument choc pour attirer et fidéliser ses franchisés. Il leur suggèrera alors de faire ce travail, en s’inspirant du cadre tracé par lui, en quelque sorte. L’idéal est ensuite qu’un maximum de franchisés soient certifiés, le taux de certification devenant alors un indicateur intéressant dans le pilotage du réseau.

2/ Dans l’autre cas, un franchisé particulièrement sensible à ces questions prend l’initiative de la certification. Une fois certifié, il en parle à son franchiseur et a les cartes en main pour le convaincre d’en faire une pratique référente du réseau.

Pour finir, quel est le bon moment pour se lancer ? Y a-t-il des conditions, des prérequis ?

Plutôt que d’un bon moment, je parlerais d’être aligné avec son quotidien et ses valeurs. Il faut être convaincu par la philosophie et les bénéfices de la démarche, et surtout ne pas se lancer pour de mauvaises raisons, car c’est coûteux en ressources.

Il n’y a pas de bon ou mauvais timing, mais il faut être conscient des conséquences de son choix :

  • Si vous optez pour une certification alors que l’entreprise est très jeune, vous la mettez tout de suite sur de

« bons » rails et les correctifs seront plus faciles à apporter. Même si le coût peut sembler lourd à ce stade ;

Axe Réseaux aide le créateur d’un concept prometteur à développer sa franchise.

  • Si votre business est mature, vous valorisez votre existant, engagez vos collaborateurs et vos parties prenantes autour d’un projet commun. Certes, vous devrez chiffrer le coût et l’impact budgétaire de vos actions d’amélioration, surtout qu’ensuite vous vous inscrirez dans une démarche d’innovation continue, en menant un nouvel audit tous les 3 ans, entre autres.

Un mot de la fin ?

Avec le recul, je me dis que la certification B Corp est un formidable révélateur de valeur, car trop souvent les gens se disent « Mais je ne savais pas que cette pratique pouvait compter ».

Nous sommes peut-être plus vertueux que nous le pensons !

Conclusion

Nous espérons que cette présentation synthétique et l’interview de Marie vous interpelleront et vous donneront envie (au moins) de vous tester !

Car une labellisation comme B Corp a tout pour s’inscrire dans la vision de long terme du créateur de valeur collective qu’est le franchiseur.

Alors, prêt.e.s à vous lancer ?

  • Que vous doutiez ou partagiez mon point de vue, n’hésitez pas à entamer la discussion en commentaires, ou sur la page LinkedIn Axe Réseaux.
  • Enfin, retrouvez sur notre chaîne Youtube notre mini-série sur les fonctions clés des réseaux de franchise.