05 Déc 2024
Franchiseur
5 décembre 2024 eric

L’innovation ouverte : ça fonctionnerait en franchise ?

SOMMAIRE

En franchise, l’innovation continue est indispensable pour pérenniser votre concept et fidéliser vos franchisés. Celle-ci peut se concevoir comme fermée, c’est-à-dire circonscrite au réseau lui-même, ou bien ouverte sur l’extérieur.

Or l’ “innovation ouverte” (ou open innovation) est un concept qui a bouleversé la manière dont les entreprises développent et déploient leurs nouvelles idées. Plutôt que de se limiter à des processus internes, les entreprises invitent des acteurs externes – clients, partenaires, startups, et même concurrents – à participer à leur processus d’innovation.

Cela permet de partager les risques liés à l’innovation, d’optimiser l’emploi de vos propres ressources et de cross-fertiliser sur des problématiques où le franchiseur n’est pas le seul détenteur de la vérité. Mais un tel modèle pourrait-il s’ouvrir et s’appliquer à un réseau de franchise, compte tenu de la confidentialité protégeant l’un de ses piliers, le savoir-faire ?

Notre article explore cette opportunité en examinant ses avantages, ses défis, et quelques exemples d’enseignes ayant pratiqué l’innovation ouverte.

Bonne lecture,

L’équipe Axe Réseaux

Fidèle à sa réputation, Axe Réseaux aide le dirigeant de tout concept prometteur à développer sa franchise.

I/ L’innovation ouverte : principes et exemples

1.1/ Que faut-il entendre par innovation ouverte ?

L’innovation ouverte a été théorisée par Henry Chesbrough, professeur et directeur du Center for Open Innovation à Berkeley, et popularisée par son livre fondateur : “Open Innovation: The New Imperative for Creating and Profiting from Technology” (2003).

Elle repose sur l’idée que les organisations peuvent et doivent utiliser des idées externes aussi bien qu’internes pour améliorer leurs offres et processus. Les principes clés du concept incluent la co-création (impliquer des parties prenantes externes comme les clients dans le processus d’innovation), l’intégration de nouvelles technologies externes, et le recours aux partenariats pour résoudre des problèmes complexes. Ces apports peuvent provenir de sources variées, comme les hackathons, les plateformes collaboratives, ou encore des programmes d’accélération pour startups.

1.2/ Lego et Procter & Gamble : Deux exemples d’innovation ouverte

Des entreprises comme Lego et Procter & Gamble ont mis en œuvre l’innovation ouverte avec succès. Le premier a créé la plateforme “Lego Ideas”, où les utilisateurs peuvent soumettre leurs idées de nouveaux produits. Si une idée reçoit suffisamment de votes de la part de la communauté, elle est étudiée pour une production commerciale. Cela permet au géant danois de capter des idées innovantes provenant de sa base d’utilisateurs et d’engager sa communauté de manière concrète.

De son côté, Procter & Gamble a lancé son initiative “Connect+Develop”, un portail où des innovateurs externes peuvent proposer des solutions à des défis spécifiques rencontrés par l’entreprise, ce qui a d’ailleurs généré des centaines de nouveaux produits !

1.3/ Les startups au coeur de l’entrepreneuriat à innovation ouverte 

Prisée par l’écosystème entrepreneurial, l’innovation ouverte est un modèle souvent utilisé dans par les startups – qui y voient un bon moyen d’accélérer leur développement au contact de partenaires. De leur côté, les grands groupes et les corporates s’appuient sur de jeunes pousses pour penser “hors de la boîte” et se donner la possibilité de trouver une innovation de rupture pour renouveler ou repenser leur modèle.

En France, les programmes d’accélération de type “Station F” ou “Village by CA” hébergent de nombreuses startups qui collaborent avec des entreprises établies pour codévelopper des solutions innovantes. Mais ces synergies pourraient tout à fait inspirer les acteurs de la franchise.

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II/ Obstacles et opportunités de l’innovation ouverte au regard des spécificités de la franchise

2.1/ Tenir compte d’un modèle à la fois centralisé et décentralisé

Le modèle de la franchise repose sur un équilibre délicat. D’un côté, le franchiseur assure une gestion centralisée de son concept (marque, savoir-faire et assistance). De l’autre, il doit s’assurer que ses franchisés mettent en œuvre ce dernier de manière décentralisée.

« D’où un paradoxe de principe : comment maintenir la cohérence du réseau tout en permettant aux exploitants en bout de chaîne de bénéficier d’innovations adaptées à leur marché local ? », pose Laurent Delafontaine.

On peut considérer une voie médiane qui consiste à voir dans les franchisés des partenaires d’innovation. « Les réseaux reconnus ont quasiment tous instauré des groupes et commissions de travail chargés de leur innovation produit ou process. C’est une innovation ouverte dans le sens où ils sont distincts juridiquement de la société franchiseuse, mais dont l’effet est sécurisé par le contrat de franchise et l’obligation de confidentialité qu’il prévoit », poursuit le praticien.

À ce titre, on peut citer l’enseigne McDonald’s, qui a tiré parti de ce potentiel en permettant à ses franchisés de proposer de nouvelles idées de produits et de services, qui sont parfois adoptées à une échelle nationale voire mondiale. Rappelons que le célébrissime Big Mac a été créé par Jim Delligatti, un franchisé d’Uniontown en Pennsylvanie.

2.2/ Innover sans contrevenir au manuel opératoire de la franchise

On sait que le manop comporte une certaine rigidité, pour assurer une standardisation des pratiques et de la diffusion des produits à l’échelle d’un réseau dispersé par nature. Une contrainte de départ qui n’interdit pas l’ouverture de l’innovation, mais qui pose surtout la question de son cadrage.

Deux voies sont alors possibles :

1/ Privilégier l’innovation ouverte interne, en permettant par exemple à vos franchisés d’adapter leur mix produit à leur réalité. Subway a ainsi autorisé à ses franchisés indiens à proposer des menus adaptés aux gouts de la clientèle locale. De quoi à renforcer leur offre tout en maintenant un cadre standardisé. Autre exemple, Starbucks, qui a intégré des retours de franchisés et d’employés pour améliorer son expérience client, notamment en introduisant des innovations sur les menus ou dans la gestion des commandes.

Le chiffre : 1 innovation sur 2 seulement est à l’initiative du franchiseur (20ème édition de l’enquête de la franchise Banque Populaire)

2/ Pratiquer l’ innovation ouverte externe mais en l’encadrant avec des « pares-feux » :

  • Le premier pare-feu est d’ouvrir les échanges dans des domaines qui ne sont pas prioritairement stratégiques, ou qui ne risquent pas de dévoiler votre jeu à vos partenaires (et donc à vos concurrents). Evitez par exemple de collaborer sur un projet d’IA générative maison, car son objet même touche au coeur de votre concept et au contenu de votre savoir-faire …
  • Le second est de disposer d’une faculté de validation et d’institutionnalisation. Quels que soient les échanges avec vos partenaires et la pertinence de ce qui en résulte, une instance dédiée doit veiller à son assimilation. Ladite instance reste juge de l’opportunité de son usage et de sa bonne diffusion. De la sorte, et si ouvert soit-il, le process ne vous échappera pas !

« Dans ces deux cas, on voit bien que ce n’est pas tant le fait d’innover de manière ouverte qui pose défi, que le fait de toujours respecter l’intérêt supérieur du réseau. Si votre expérience inclut certaines sécurités en ce sens, vous profiterez pleinement de l’atout que représente la nature collaborative de votre réseau de franchise, pour innover », analyse Laurent.

Et si vous tiriez parti de la créativité de vos franchisés ?

III/ Les avantages potentiels de l’innovation ouverte pour les franchises

3.1/ Stimuler la créativité et la mise en œuvre de solutions locales

Quotidiennement au contact du terrain, vos franchisés sont idéalement placés pour identifier des pistes d’innovation pertinentes pour la clientèle de l’enseigne.

En les encourageant et en les organisant – de même que vos partenaires, pour participer activement à l’innovation, vous bénéficierez d’un flux continu de nouvelles idées. De quoi vous permettre aussi de fidéliser vos clients par de nouveaux services et pour augmenter leur taux de satisfaction, face à une offre souvent abondante.

Par exemple, le réseau de restauration rapide Burger King a permis à certains de ses franchisés de tester des produits locaux ou de modifier des campagnes marketing pour répondre aux spécificités régionales. Cela a stimulé l’innovation et permis au géant de Miami de s’adapter rapidement aux demandes locales tout en conservant son image de marque globale.

3.2/ Réduire les coûts et les risques liés à l’innovation

L’innovation en franchise peut être coûteuse, surtout sur un marché mature. Et l’échec d’un nouveau produit ou service peut entraîner un effet négatif pour le réseau, notamment éroder la confiance envers le franchiseur.

« En vous vous appuyant sur des partenaires externes, par exemple des startups agiles sur le plan technologique et elles-mêmes déjà bien financées, vous pouvez partager vos coûts de recherche & développement. Mais cela vous permet aussi de confronter et de crédibiliser vos intuitions auprès de professionnels dont les cartes mentales sont complémentaires aux vôtres », souligne Laurent. Une démarche vertueuse, à condition que la collaboration soit réciproquement bénéfique.

Ainsi dans le cadre de l’initiative “Domino’s DXP” (une voiture de livraison spécialement conçue), le géant Domino’s Pizza a mobilisé des partenaires externes pour concevoir et produire un véhicule adapté à ses besoins de livraison. Un exemple d’innovation ouverte réussie, où l’entreprise a su externaliser une partie de son processus d’innovation pour limiter les coûts tout en optimisant son expérience client !

3.3/ Renforcer l’agilité de votre réseau de franchise

L’agilité est un facteur clé de succès pour un réseau opérant en environnement concurrentiel. Mais elle peut devenir problématique, lorsque celui-ci atteint une certaine taille et peut être gagné par l’inertie.

C’est là où votre capacité à mobiliser des intelligences et des ressources externes peut faire la différence. « Si en théorie vos franchisés ont intérêt à collaborer au succès collectif de l’enseigne, ils ne savent pas nécessairement comment. Et surtout, ils ont aussi leur propre agenda, qui les incline à se concentrer sur leur exploitation plutôt qu’à explorer de nouvelles pistes avec vous, surtout si le concept fonctionne déjà plutôt bien ! », concède notre expert.

Ainsi, pour renforcer sa capacité à répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, Carrefour a lancé une plateforme d’open innovation en partenariat avec des startups. Cela a permis au distributeur français le développement de solutions digitales et des innovations en magasin.

Vous voulez approfondir ces avantages et déterminer comment en bénéficier concrètement ? Rencontrons-nous !

IV/ Les défis et les limitations de l’innovation ouverte dans la franchise

4.1/ Protéger votre savoir-faire et vos secrets commerciaux

Si la perspective d’une collaboration ouverte sur l’extérieure est enthousiasmante, n’oubliez pas que vous êtes lié par certaines contraintes inhérentes au modèle de la franchise.

L’une d’entre elles et non des moindres est la protection du savoir-faire. « Vous avez sans doute beaucoup investi dans la mise au point de process et d’un savoir-faire qui a fini par être substantiel et différenciant. Or l’expérience d’ouvrir votre livre de recettes et d’exposer vos actifs sensibles à des partenaires, si amicaux semblent-ils, n’est jamais totalement exempt de risques », analyse le fondateur d’Axe Réseaux.

Alors comment se protéger ? Au-delà des traditionnels accords de confidentialité – qui doivent impérativement encadrer votre collaboration, imposez des garde-fous. C’est ainsi que Pizza Hut, en collaborant avec des entreprises technologiques pour développer un système de commande vocale, a tenu à garder un contrôle strict sur l’implémentation des technologies pour protéger ses processus internes.

4.2/ Protéger votre co-production par des règles claires de propriété intellectuelle

Lorsqu’une innovation est cocréée avec des franchisés ou des partenaires externes, il est nécessaire d’en clarifier le régime de propriété. En effet, à qui appartient une idée ou un produit une fois qu’il est adopté par le réseau ? En tant que franchiseur, il vous revient de mettre en place des accords contractuels clairs pour prévenir tout litige, que ce soit (i) dans le contrat de franchise s’agissant de vos franchisés ou (ii) dans un contrat de coopération avec tout tiers au réseau.

4.3/ Mener l’appropriation du changement et savoir lever les résistances

Il n’y a pas d’innovation ouverte et collaborative, sans une culture réseau qui le soit elle aussi ! Or le modèle de la franchise « reste encore majoritairement régi par une culture de travail verticale et descendante. Non pas au sens hiérarchique, mais parce que le franchisé achète un « savoir-faire réussir » éprouvé, où le franchiseur l’accompagne en connaissance de cause. C’est donc au franchiseur de définir une politique de communication interne et d’instaurer un cadre de collaboration suffisamment incitatif, incluant des actions de sensibilisation voire de formation des équipes, pour de meilleurs résultats », analyse le formateur à l’Académie de la franchise.

C’est ainsi qu’avec son programme “AccorHotels Innovation Lab”, le géant hôtelier a su créer une culture d’ouverture à l’innovation en intégrant des partenaires externes et en encourageant le développement d’idées novatrices dans ses hôtels.

Enfin, soyez attentifs à la manière dont sont perçus vos travaux d’innovation ouverte. « Il ne faudrait pas que vos franchisés soient gagnés par l’idée que vous n’êtes pas compétent, que vous manquez d’idées et que faute de savoir faire évoluer votre savoir-faire et vos services par vous-même, l’innovation ouverte vous permet en réalité de vous défausser sur des tiers … », alerte Laurent.

En savoir plus sur la manière de surmonter les crises et les conflits en franchise.

V/ 5 recommandations d’Axe Réseaux pour tirer parti de l’innovation ouverte

#1- Ne vous trompez pas de combat

Sachez dissocier ce qui relève de votre effort « régalien » d’innovation et pour des raisons de confidentialité, et ce que vous ne risquez rien à externaliser (accès certaines technologies, partage des coûts et des risques).

#2 – Choisissez avec soin vos partenaires d’innovation

Pour l’innovation ouverte interne, appuyez-vous sur les plus motivés et les plus talentueux, et non ceux qui seraient tentés de vous mettre des bâtons dans les roues…

Pour l’innovation ouverte externe, engagez-vous auprès d’acteurs compétents, exempts de liens ou de conflits d’intérêt avec des concurrents. Et si les enjeux de la collaboration sont élevés, n’hésitez pas à missionner une société d’enquêtes.

#3 – Ne lésinez pas sur la protection juridique

Dans chaque contrat de collaboration spécifique décrivez les objectifs, les conditions de travail, les moyens mis à disposition, les coûts engagés … Soignez aussi le respect de la confidentialité des travaux et clarifiez le mode de valorisation des résultats obtenus.

#4 – Créez un environnement favorable en interne

Vos franchisés doivent se sentir soutenus et encouragés à innover, et votre cadre doit expliquer comment eux et vos partenaires pourront soumettre des idées et participer au processus. Sachez aussi accompagner le changement de paradigme occasionné, par de la communication interne, des formations, des événements (type hackathon mais sur un scope bien défini …) et tous incentives qui vous semblent générer des résultats.

#5 – Établissez des indicateurs de performance pertinents 

Enfin, vous devez pouvoir évaluer le succès de ces innovations pour la valeur qu’elles génèrent aux plans produits, commerciaux et financiers par exemple, mais dans leur adoption par les franchisés.

Conclusion

Franchiseurs, en dépit des réserves légitimes que vous pouvez avoir à l’idée de partager votre innovation avec des tiers, nous espérons que cet article vous donnera envie de tester la démarche !

Elle est aussi un bon moyen de prendre un peu d’avance sur vos concurrents directs, ou d’anticiper celle d’autres acteurs, notamment plus à l’aise avec la technologie.