SOMMAIRE
- I/ Franchise et e-commerce : comprendre le cadre et les enjeux
- II/ L’investissement et les coûts à prévoir pour le franchisé dans l’e-commerce
- III/ De vrais avantages conditionnés à une intégration suffisante du digital dans le modèle économique
- IV/ Un modèle qui comporte cependant de vrais défis et risques
- V/ Saisir les nouvelles opportunités d’un marché en pleine évolution
- Conclusion
Le développement de l’e-commerce revisite les modèles économiques des entreprises, incluant le secteur de la franchise. Via les ventes en ligne, il peut booster le chiffre d’affaires des réseaux – un phénomène d’autant plus vrai depuis la pandémie de Covid19 – débouchant sur des stratégies de plus en plus phygitales.
Le commerce en ligne permet de capter de nouveaux segments de marché tout en optimisant ses coûts d’exploitation : si cela relève d’une stratégie connue pour le franchiseur, revenons sur l’incidence de cette révolution numérique sur le modèle des franchisés.
Quels sont le cadre et les enjeux de l’e-commerce pour l’exploitant sous enseigne ?
Quels investissements doit-il prévoir dans ce cadre ?
Quels en sont les avantages mais aussi les défis et les risques ?
Enfin y a t-t-il de nouvelles opportunités à saisir ?
Nourri des apports de Maître Grégoire Toulouse, avocat spécialisé en droit de la franchise et de la distribution et associé du cabinet Taylor Wessing, cet article explore le modèle économique pour le franchisé dans le e-commerce, et décrypte les éléments-clés à qu’il doit appréhender pour vendre en ligne.
Bonne lecture,
L’équipe Axe Réseaux
Fidèle à sa réputation, Axe Réseaux aide le dirigeant de tout concept prometteur à développer sa franchise.
I/ Franchise et e-commerce : comprendre le cadre et les enjeux
1.1/ La franchise : un modèle commercial compatible avec l’e-commerce
La franchise repose sur un contrat de collaboration entre un franchiseur, détenteur d’une marque et d’un savoir-faire, et un franchisé qui exploite cette marque dans un point de vente physique et en échange de redevances. L’e-commerce offre à ce dernier un second canal de vente, en lui permettant d’avoir son propre site web marchand pour réaliser des ventes en ligne, dans le respect de la marque de son franchiseur.
« Aujourd’hui, des plateformes comme Shopify, PrestaShop ou Adobe Commerce (ex-Magento) permettent au franchisé d’accéder à des infrastructures e-commerce robustes. Elles offrent un environnement plug & play à ceux qui n’ont pas une expertise technique suffisante, afin de gérer leur boutique en ligne », pose Laurent Delafontaine.
Complémentaire au point de vente physique, l’e-commerce impose d’autres contraintes au franchisé et engage des coûts différents (logistique, gestion des stocks, marketing digital …) Si l’investissement initial reste inférieur à celui d’une implantation physique, son succès dépend davantage de la visibilité en ligne et de l’expérience client offerte.
Le chiffre : Selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le chiffre d’affaires du e-commerce en France a atteint 159,9 milliards d’euros en 2023, en hausse de 10,5 % par rapport à l’année précédente.
Le phygital, fruit d’une inévitable convergence
Dans notre économie, un nombre croissant d’enseignes combine un réseau de boutiques physiques et la vente en ligne. Un modèle “phygital” qui permet de capter une clientèle plus diversifiée.
Par exemple Class’Croûte, a vu ses commandes sur internet s’accélérer depuis la pandémie, compensant pour partie la baisse de fréquentation des restaurants. Depuis, il n’y a pas eu de retour en arrière, comme le soulignait dans la presse Florent Racot, directeur développement de l’enseigne.
Aujourd’hui de nombreuses enseignes ont une stratégie omnicanale, où les clients peuvent acheter en ligne et retirer leurs produits en magasin. Ce qui génère aussi parfois des ventes additionnelles dans le point de vente physique.
1.2/ Les implications de l’e-commerce sur le modèle économique des franchisés
« Il faut le rappeler : le droit de la concurrence européen (règlement d’exemption 2022/720) ne permet pas aux franchiseurs d’interdire à leurs franchisés d’avoir leur propre site web et de vendre par internet. C’est un peu contre-intuitif en franchise, mais c’est l’état du droit », rappelle Maître Grégoire Toulouse.
Ainsi, les franchisés sont libres d’avoir leur site internet marchand. Pour autant dans les faits, rares sont les franchisés à développer leur propre site, car son développement, sa promotion et son référencement coûtent cher. De fait, « il leur est généralement plus compliqué que le franchiseur de se lancer sur le web et d’être ensuite compétitif », argumente-t-il.
« Le franchiseur qui vend sur son site Internet n’a aucune obligation particulière envers ses franchisés (du moins, tant qu’il n’a pas pris d’engagements particuliers en la matière envers ses franchisés). Toutefois, sur un plan pratique, les franchiseurs peuvent avoir intérêt à impliquer les franchisés dans leur propre stratégie cross-canal par exemple, via un système de click & collect rémunéré, ou une incitation à aller visiter le magasin le plus proche du client. Si après une vente en ligne, la livraison du produit a lieu dans la zone, il peut aussi commissionner le franchisé.» poursuit l’avocat spécialisé.
N’oublions pas que le cross-canal peut fonctionner dans les deux sens. Par exemple si un client désire un produit indisponible en boutique ou en rupture, il peut parfois le commander depuis un écran dans la boutique du franchisé, qui renvoie vers le site internet et les stocks du franchiseur. « Cela permet des ventes additionnelles sur un stock dont le franchisé ne dispose pas en boutique », relève Maître Toulouse.
Enfin « le franchiseur peut également, le cas échéant, déployer un réseau de “sites miroirs” du site principal du franchiseur, soit autant de sites qu’il compte de partenaires locaux (franchisés, concessionnaires, licenciés…). Lorsque vous achetez en ligne, ce sont ces derniers qui font la vente, mais à partir du site clé en main qui lui a été livré par la tête de réseau », indique-il. Une solution qui semble permettre la maximisation du référencement naturel.
Consultez également notre fiche outil sur le parcours client de l’enseigne
II/ L’investissement et les coûts à prévoir pour le franchisé dans l’e-commerce
2.1/ Des coûts d’entrée entre accessibilité et contraintes technologiques
Contrairement aux franchises physiques, où les coûts liés à l’immobilier et à l’aménagement sont significatifs, l’activité en e-commerce est plus abordable mais elle réclame un engagement technologique plus fort.
« À minima, la vente en ligne requiert de créer un site e-commerce performant, bien référencé (SEO), bien visible (fiche Google My Business suffisamment détaillée et à jour) et le branchement à un CRM. Et au-delà du coût de mise en place de la plateforme, elle nécessite des frais récurrents de maintenance », rappelle Laurent Delafontaine.
Coût à minima des différentes options :
- Site web basique (ou vitrine) : 900 €
- Site e-commerce basique : 4 000 €
- Plateforme en ligne : 10 000 €.
Source : Rakuten
Coût moyen d’une prestation SEO:
- De 500 à 2500 € / mois
- De 75 à > 200 € / heure.
2.2/ Des coûts récurrents sous la forme de redevances et de frais marketing
Habituellement, les redevances et les frais marketing facturés par la tête de réseau financent le service délivré à ses franchisés.
« Les frais marketing (ou redevance publicitaire) financent les campagnes globales de publicité en ligne. Oscillant entre 0.5 et 2% du CA (et même 4% pour McDonald’s), ils représentent une part importante des dépenses du franchisé, surtout si le franchiseur mise sur une forte présence digitale », précise Laurent.
2.3/ La gestion des coûts logistiques et des stocks
Enfin dans l’e-commerce, la logistique reste un élément central. Soit le franchisé gère lui-même ses stocks, soit il externalise ce processus (frais de livraison, retours de produits et gestion des flux) à un prestataire spécialisé, augmentant ses coûts opérationnels.
La gestion des retours : un défi à ne pas sous-estimer
Dans l’e-commerce, le taux de retour produits peut atteindre jusqu’à 39 %, selon une étude Statista réalisée en 2022. Cela impose aux franchisés d’établir une politique de retour claire et de s’assurer d’une gestion efficace de leurs stocks et flux logistiques.
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III/ De vrais avantages conditionnés à une intégration suffisante du digital dans le modèle économique
3.1/ D’indéniables avantages pour l’e-commerce du franchisé
Un investissement initial potentiellement plus faible
L’e-commerce permet de réduire certains coûts initiaux, comme ceux liés à la location et à l’agencement d’un local. Si dans l’absolu, un franchisé 100% en ligne peut démarrer son activité avec un capital moins important tout en bénéficiant d’un accès rapide à un marché large, dans les faits l’e-commerce est un canal supplétif à la vente physique.
Une flexibilité de gestion accrue
L’activité en e-commerce bénéficie d’une grande flexibilité en termes d’horaires et de gestion. Affranchi des contraintes physiques, le franchisé peut théoriquement ajuster son activité à la demande, tester différents produits, et s’adapter rapidement aux évolutions du marché. Mais l’avantage est atténué par le fait que le franchisé est aussi un exploitant en boutique.
Un potentiel de chiffre d’affaires additionnel non négligeable
Sur le papier, l’e-commerce donne au franchisé l’opportunité d’étendre facilement son activité au-delà de sa zone de chalandise. « Cependant cette faculté est généralement encadrée par le franchiseur qui, sans lui interdire d’ouvrir son site de vente en ligne, a tout intérêt à encadrer cette pratique en l’ “arrimant” à son site global. Une pratique courante consiste néanmoins à commissionner le franchisé sur les ventes en ligne conclues auprès de leads résidant dans sa zone de chalandise », précise le fondateur du cabinet.
3.2/ Une place centrale à faire au digital néanmoins, dans ce modèle
Le site web : vitrine virtuelle du franchisé
Si dans l’e-commerce, le site web se substitue au point de vente traditionnel, il doit quand même respecter la charte de l’enseigne et procurer une expérience client alignée sur celle traditionnellement proposée en boutique.
L’expérience utilisateur doit être optimale, avec une navigation fluide, un design attractif, et des fonctionnalités comme la personnalisation et le paiement sécurisé. « Si le franchiseur fournit le cadre, le franchisé doit l’adapter et l’optimiser à son marché local », assure le consultant.
L’importance du marketing digital
La visibilité en ligne est primordiale. Les franchisés doivent maîtriser les outils de marketing digital tels que le référencement (SEO), la publicité en ligne (SEA), ainsi que les campagnes emailing voire l’inbound marketing. Des compétences en community management (gestion des réseaux sociaux) et en création de contenu sont également essentielles pour attirer et fidéliser les clients.
Pour Laurent « là aussi, la tête de réseau peut détenir des compétences centrales, ou négocier un tarif-cadre avec des agences spécialisées, pour accompagner ses franchisés dans la promotion de leur activité en ligne ».
L’analyse de la data comme levier stratégique
Enfin, les outils digitaux aident le franchisé à monitorer en temps réel l’évolution de son chiffre d’affaires, le comportement des consommateurs et l’efficacité de ses campagnes marketing. Ces données lui offrent un levier pour ajuster sa stratégie commerciale et améliorer ses différents indicateurs-clés.
Lire aussi : Franchiseurs, comment bâtir votre modèle économique ?
IV/ Un modèle qui comporte cependant de vrais défis et risques
4.1/ Un marché en ligne à la concurrence accrue
Si l’e-commerce procure certains avantages, il n’en reste pas moins un marché très concurrentiel. Franchiseurs et franchisés doivent faire face à des géants du web, ainsi qu’à une multitude de petites boutiques en ligne. Ils doivent apprendre à sortir du lot, notamment par la stratégie de marque et la qualité du service.
En outre, les consommateurs en ligne sont de plus en plus exigeants quant aux délais de livraison et à la gestion des retours. Le franchisé doit s’assurer que son modèle logistique soit performant et réactif pour répondre à ces attentes, sans quoi il risque de décevoir sa clientèle.
« Heureusement, le modèle de la franchise a un gros plus à faire valoir par rapport aux autres acteurs présents en ligne. Les franchisés fonctionnent selon un modèle déjà optimisé par le franchiseur. Par construction, ils seront plus compétitifs et professionnels que ne le seront de nombreux compétiteurs isolés. Après il reste le prix, même si leur centrale d’achat les aide à corriger le tir » fait valoir Laurent.
4.2/ Les défis juridiques du e-commerce pour les franchisés
Selon Maître Grégoire Toulouse, avocat associé du cabinet Taylor Wessing, « les principaux défis pour les franchisés en cas de création d’un site marchand concernent (i) la gestion des droits de propriété intellectuelle, (ii) les contrats avec des tiers, comme les prestataires logistiques ou les plateformes de paiement, (iii) le respect des règles de droit de la consommation applicables à la vente en ligne, ainsi que (iv) le respect de la législation sur la protection des données personnelles, notamment le RGPD. Les franchisés doivent être rigoureux sur ces points et ne pas minorer le risque d’amendes pour non-conformité », assure-t-il.
Autre point d’attention, les réseaux sociaux. Rappelons que les franchiseurs encadrent les pratiques pour qu’il n’y ait pas de cacophonie dans la présentation de la marque commune. « Le franchiseur est légitime à encadrer l’usage des réseaux sociaux pour protéger sa marque. En général, les franchiseurs non seulement imposent des lignes directrices à leurs franchisés sur l’usage des réseaux sociaux, mais se réservent désormais également souvent des droits d’administrateur sur les pages des franchisés pour pouvoir intervenir en cas de besoin », souligne l’avocat. « Les franchisés doivent veiller à scrupuleusement respecter les lignes directrices fixées par la tête de réseau afin de préserver l’homogénéité et la réputation de la marque » poursuit-il.
Lire aussi : Franchiseurs, comment anticiper et faire face aux cyberattaques
V/ Saisir les nouvelles opportunités d’un marché en pleine évolution
5.1/ L’essor des marketplaces
Les marketplaces comme Amazon, Etsy, et Cdiscount offrent aux franchisés une nouvelle opportunité de visibilité. En tant que franchisé, l’accès à ces plateformes peut représenter une source de chiffre d’affaires supplémentaire. Mais il a pour contrepartie des commissions allant jusqu’à 15 % et requiert une gestion spécifique des avis clients.
S’agissant de ces plateformes, il est aujourd’hui admis que « si les têtes de réseaux ne vendent pas par sur une plateforme, elles peuvent aussi l’interdire à leurs franchisés dès lors qu’il s’agit de protéger leur image de marque », rappelle Maître Toulouse.
5.2/ La blockchain va-t-elle jouer un rôle dans les usages ?
Si cette technologie offre des perspectives innovantes pour sécuriser les transactions et garantir la traçabilité des produits, « son intégration dans le modèle e-commerce est encore un sujet éloigné du quotidien des réseaux pour le moment. Et que je sache, le paiement en bitcoins ne s’est pas encore imposé dans le e-commerce à ce stade. Toutefois, il est certain que les franchiseurs devront s’y intéresser et identifier des cas d’usage visant notamment à offrir une meilleure protection à leurs franchisés et à leurs consommateurs », concède l’homme de loi.
5.3/ Et l’IA boostera-t-elle la performance des acteurs et de leurs pratiques ?
Depuis l’arrivée de ChatGPT dans le paysage des affaires il y a 2 ans, les marques les utilisent de plus en plus les IA génératives pour développer leurs contenus : copywriting, fiches produits, curation éditoriale, rédaction de FAQ …
Mais jusqu’à quand, quand on connait le potentiel d’automatisation de ces solutions et les gains de temps significatifs déjà octroyés par les LLM ?
Conclusion
Nous espérons que cet article vous donnera les clés pour conjuguer les vertus du modèle de la franchise à la puissance du commerce en ligne, et ainsi générer de la valeur pour vos franchisés.
En effet en tant que franchiseur, votre capacité à intégrer le numérique et à tirer parti d’autres canaux de vente sans pour autant remettre en cause le bien fondé de votre réseau physique, est une nécessité. Ce n’est que l’une des étapes par lesquelles le franchiseur conduit sa transformation digitale.
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