SOMMAIRE
- Faut-il changer d’approche dans la conception des futurs réseaux de franchise ?
- Et si nous imaginions une conception a priori du franchising ?
- 1/ Pourquoi cette problématique s’invite-t-elle pour les franchiseurs ?
- 2/ Quels philosophie et les principes de conception permettraient de réussir ?
- 3/ Quelles étapes seraient nécessaires pour mettre en place ce modèle ?
Sécuriser les activités économiques est une préoccupation ancienne. La franchise n’y a pas échappé lorsque fin 1989 la Loi Doubin est venue à bon droit encadrer les échanges précontractuels entre le candidat et le franchiseur.
Quelques décennies plus tard, l’accélération de la vie des affaires et l’intensification concurrentielle, l’invasion des technologies web et du big data, mais aussi la « grande démission » et le stress post-covidaire précipitent les apprentis-entrepreneurs vers la création d’entreprise dans des formules éprouvées.
Jamais les réseaux de franchise n’ont autant compté dans la création nationale de richesse et d’emplois. Ils deviennent une filière de production « sous le radar », d’autant que la sécurité économique des investisseurs et des consommateurs est elle aussi en première ligne.
Faut-il changer d’approche dans la conception des futurs réseaux de franchise ?
Jusqu’à présent le besoin en franchisage s’accompagnait sur un modèle « a posteriori », en faisant rentrer une activité donnée « dans la seringue » d’une certaine ingénierie. Cela fonctionne, non sans efforts et coûts. D’expérience, nous pourrions toujours améliorer les choses par davantage de formation – notamment dans la gestion de projet, un meilleur financement bancaire de ce type d’investissements, voire une auto-régulation du marché chassant les consultants indélicats…
Et si nous faisions le raisonnement inverse et empruntions une voie de rupture : inscrire les réseaux dans un design organisationnel vertueux avant même qu’ils en soient un ?
Vous avez peut-être entendu parler de Privacy by design ? La démocratisation des usages Internet a fait exploser le nombre et l’usage des données personnelles (on parle de Big Data). Aussi les autorités communautaires ont-elles choisi de contraindre les entreprises, pour en sécuriser et responsabiliser l’utilisation. Cela a donné le Règlement Général de Protection des Données ou RGPD.
Le Privacy by design demande à une entreprise de prendre des mesures techniques comme organisationnelles permettant un traitement des données personnelles conforme au RGPD, dès lors qu’elle conçoit des projets impliquant de tels traitements. Un effort de transparence de l’entreprise pour nourrir la confiance de ses clients dans l’économie numérique.
Et si nous imaginions une conception a priori du franchising ?
Imaginez si nous pouvions doter une jeune entreprise de principes de conception, de « patterns organisationnels » qui faciliteront le moment venu son développement en réseau ? Si nous pouvions activer chez le futur franchiseur les « brins d’ADN » ou créer les circuits imprimés qui lui permettront de trouver la forme que mérite son concept et l’envergure que son marché réclame, simplement parce que les bons choix technologiques, organisationnels et juridiques auraient déjà été faits, et surtout, les mauvais évités ?
Qui dit « by design » dit que les choses ont été réglées en amont, qu’une certaine complexité a pu être modélisée jusqu’à un certain point d’intelligibilité. Qu’elle a pu être réduite à des principes de création partagés, une approche assortie d’un mode de prise en charge voire d’éventuelles sanctions… C’est plus ou moins le cas pour le privacy by design.
Alors à quoi ressemblerait et à quels résultats aboutirait un éventuel « franchising by design » : en face d’un franchisage a posteriori ou « chemin faisant », y a-t-il une place pour un franchisage a priori ou anticipé ? Et si oui, quelles étapes faut-il observer ?
1/ Pourquoi cette problématique s’invite-t-elle pour les franchiseurs ?
Parce que le franchisage :
- Est un marché d’intérêt public par destination
Au vu du PIB qu’ils cumulent et de leur vitalité démographique (100+ nouveaux concepts chaque année), les réseaux et franchises forment une industrie. Leur modèle a démontré sa résilience crise après crise, avec des candidatures ne cessant d’augmenter. D’innombrables salariés en reconversion y investissant leurs économies, ils sont en droit d’attendre un certain sérieux en face ! La Loi Doubin n’est qu’une première étape.
- Reste un processus empirique optimisable
Le développement d’une enseigne à partir d’un concept balbutiant est un chemin long et pénible. Et les marges d’amélioration dans l’accompagnement des futurs franchiseurs restent considérables. Or à un moment donné, de nombreuses start-up ou jeunes pousses seront tentées de se lancer. Sauf qu’elles auront déjà fait des choix de (non/)-conception pouvant condamner leur projet, et risqueront de s’engager avec empressement, maladresse, voire de se tromper de consultants.
- Dispose de technologies favorables
Depuis la crise sanitaire, les technologies digitales n’ont cessé de percuter le commerce. Pourtant, elles sont porteuses d’optimisation et soutiennent la réussite à des coûts intéressants, si l’on prend pour exemple le Low & le No-code.
- Manque d’un cadre insuffisamment opératif
Si un corpus général et juridique (loi Doubin, Code de déontologie) encadre la franchise hexagonale, cette étape préalable ne nous a pas dotés d’un référentiel suffisamment opérationnel et opposable de ses pratiques-cadres. Tout un champ de réflexion demeure pour « réduire l’aléa ingénieurial ».
Au vu de ce qui précède, nous pensons qu’il y a un espace pour compléter le « franchisage à la longue » par un « franchisage par intention ».
2/ Quels philosophie et les principes de conception permettraient de réussir ?
1/ La réplicabilité permet de gagner du temps dans le déploiement
La phase de pilotage fait émerger les éléments d’un futur savoir-réussir. Or pour une activité donnée, par exemple la restauration, on connait les paramètres déterminants pour la suite : il est alors possible de les formaliser dans une forme relativement générique, pour réutilisation.
2/ La scalabilité facilite le branchement de nouveaux franchisés
Les dirigeants de franchises doivent penser à dimensionner leurs outils à la croissance qu’ils vont rencontrer, sans nécessairement faire tourner les compteurs (logiciels, infrastructures, conseil…) à vide. La future tête de réseau dispose d’approches de growth hacking pour leverager à moindre frais, et doit opter pour des outils offrant des coûts d’usage unitaires décroissants.
3/ La sécurité doit être garantie de l’outil jusqu’au contrat
Pour la future enseigne, croissance rapide rimera avec audience élargie, profils d’usage hétérogènes et processes à sécuriser. Elle doit alors documenter ses pratiques, encadrer le respect de la confidentialité et réfléchir en amont à une politique d’accès selon profil à chaque outil (espace numérique de travail notamment). Des précautions ensuite protégées par le contrat de franchise.
4/ La prédictibilité est un gage de performance continue
Sans être nécessairement un early adopter, le futur franchiseur sait à quel point les outils digitaux sont déterminants pour encadrer et fluidifier les usages. Il sait pouvoir tirer de ces derniers énormément de data, et se résout à les exploiter pour mieux prévoir les comportements de sa clientèle. L’entreprise anticipe mieux ainsi les bonnes comme les mauvaises performances, les risques de conflits, cible mieux ses candidats, etc.
Au-delà de ces principes généraux d’ailleurs loin d’être exhaustifs, abordons des exemples concrets.
Quelques exemples pour « opérationnaliser » le franchising by design
Domaine métier | Exemples |
Marketing / Communication | La jeune pousse doit anticiper le partage de responsabilités en matière d’usage de marque et de communication. Ces choix ne doivent pas être bloquants une fois la franchise lancée (ex : les usages web et e-commerce). |
Achats | Le schéma d’achats / approvisionnements de la jeune pousse doit absorber un nombre croissant d’entités dans un futur proche. Autre étape, elle doit aussi avoir les idées claires sur sa politique d’achats hors panel. |
Juridique | Même si cela lui semble prématuré, la jeune pousse doit avoir sécurisé l’usage de sa marque, de son nom de domaine et de ses signes distinctifs. Il est irritant pour des franchises de devoir régler en urgence ces sujets alors que la formule vise justement à gagner du temps. On sait que sur le terrain de la marque, les délais ne sont pas anodins (ex : 6 mois de délai d’opposition à partir du dépôt). |
Management et animation | La jeune pousse ne doit pas avoir d’opposition de principe avec un management délégatif et les lois de l’interdépendance. Si jamais son modèle d’activité suppose une capacité de production unique ou difficilement imitable, elle évitera la franchise - sauf à centraliser l’outil de production et ne déléguer que la partie commerciale ou servicielle. Enfin, la formation reste un outil central d’appropriation et d’empowerment. |
Finances et gestion | Très tôt, la jeune pousse doit plancher sur ses modèles de coûts et de revenus comme de production de services de futur franchiseur, pour établir des montants de redevances qui financeront sa réussite. |
3/ Quelles étapes seraient nécessaires pour mettre en place ce modèle ?
Pour fonctionner, l’idée d’un franchising by design pourrait suivre deux grandes phases :
Un cadre de référence servant à adosser les pratiques
Il s’agit d’un ou plusieurs textes, un « paquet normatif », à la fois :
- Applicable : ses préceptes et règles sont suffisamment explicites et précis. Il peut s’agir au départ d’un manifeste ou d’une charte, à compléter ensuite par un référentiel voire un manuel qualité,
- Plausible : sans être 100% exhaustif, il décrit la plupart des situations opérationnelles que rencontreront couramment les apprentis-franchiseurs et les recettes à même de les faire réussir,
- Opposable : il est porté par une ou plusieurs instances faisant autorité (ministère, organe européen…) pour disposer d’une portée réglementaire.
Une méthodologie projet menant jusqu’au déploiement
Le franchising by design a besoin d’un collectif étendu pour se développer en différentes étapes :
Période | Actions |
1. Interpeller | - Publier un manifeste, un appel à projet ; - Mener des recherches académiques (par exemple avec un Master spécialisé management des Réseaux) ; - Publier un white paper, des articles pour tester les réactions des dirigeants de franchises, des professionnels du financement et de la croissance, des consultants… |
2. Tester | - Présenter une démarche projet au sein de quelques incubateurs ; - Recruter quelques jeunes entreprises volontaires pour constituer des « proof of concept » (POC) et tester la mise en œuvre des préceptes dégagés. |
3. Encourager | - Parallèlement, imaginer un programme de prise en charge : une jeune pousse éligible pourrait être subventionnée (aide, crédit d’impôt…) pour être ensuite auditée puis accompagnée par un moniteur agréé par l’autorité de tutelle, car issu d’une structure dûment certifiée (Qualiopi…) ; |
4. Déployer | - Si les POC sont concluants, engager une campagne de communication nationale pour valoriser cette réussite et proposer aux jeunes entreprises dont l’activité est compatible avec un développement en franchise, de rejoindre le programme ; - Proposer un cursus de formation spécifique ; - Enfin, mesurer les effets du programme par projet de franchise créé, et plus globalement (nombre, taux de survie et niveau de performance, et la satisfaction perçue des « néofranchiseurs » accompagnés dans leur expérience…) |
Nous espérons que ces quelques réflexions vous inspireront, car le sujet est vaste et il a besoin des convictions et idées de chacun.e 😊 pour générer un maximum de résultats !
N’hésitez pas à entamer la discussion sur notre site ou notre page LinkedIn.