Tous les ans, des centaines d’entrepreneurs, séduit par le potentiel de la formule, décident de développer leur concept en franchise. Plus d’un sur deux n’y réussiront pas. Petit rappel des erreurs de jeunesse à éviter.
Bâtir un réseau, dupliquer son concept aux quatre coins du territoire, partager sa réussite avec d’autres créateurs… Quel entrepreneur n’en a pas rêvé ? Mais on ne transforme pas son petit magasin de fleurs en Monceau Fleurs ou sa boulangerie de quartier en Paul du jour au lendemain.
1/ Ne pas apprendre le métier de Franchiseur
La franchise, c’est un second métier, avec ses règles et ses codes. Il ne suffit pas de réaliser un contrat de franchise pour croire que tout va couler de source. Il faut non seulement respecter la réglementation mais aussi s’assurer que le concept est « franchisable » autrement dit qu’il est attractif, rentable, basé sur un savoir-faire et surtout duplicable. Tout cela s’apprend, notamment grâce à des cabinets spécialisés dans l’accompagnement des réseaux naissants. Mais le jeune franchiseur devra mouiller sa chemise, et consacrer du temps à l’apprentissage de toute cette méthodologie. A dire d’experts, il faut à minima 9 mois de préparation, à raison de deux jours à temps plein les trois premiers mois puis une journée et demie les mois suivants. « Je me suis fait accompagner pendant six mois pour construire le réseau, en y consacrant 100 % de mon temps. C’était une période très intense, entre la mise en franchise et l’activité de l’entreprise qui devait continuer de tourner » témoigne Pierre Grandgérard, franchiseur de Miss Cookies Coffee.
2/ Ne pas vérifier la rentabilité du concept
Inutile de penser franchise sans avoir testé la rentabilité du concept ! Le futur franchiseur doit s’appuyer sur les résultats financiers de son/ses unité(s) pilote, sur 3 exercices minimum. Ces premiers magasins (ou points de vente) servent « d’appartement témoin » et permettent de vérifier que le concept est rentable et le savoir-faire transmissible. Ils permettent également d’évaluer précisément le coût de la mise en œuvre du projet (l’investissement pour le franchisé) et ce qu’il rapporte réellement.
3/ Sous-estimer le coût d’un déploiement en franchise
Du temps mais aussi de l’argent. Beaucoup d’argent ! « On m’avait parlé de 500 000 euros, toutes dépenses et frais inclus, indique Pierre Grandgérard de Miss Cookies Coffee. « Cela me paraissait énorme mais au final, trois ans après avoir franchisé le concept, je pense avoir atteint cette somme ». Entre les honoraires des consultants, des avocats, parfois des architectes, mais aussi les frais de communication, la création d’une charte graphique, la mise en place d’un système informatique… la note peut grimper très vite.
4/ Recruter sans avoir défini le profil des franchisés
C’est l’erreur de ceux qui veulent aller trop vite, en recrutant à tout va, sans prendre le temps de définir un profil de franchisés. Le risque : que les franchisés ne respectent pas le concept, qu’ils soient trop indépendants, pas assez commerçants ni assez gestionnaires ou dans l’incapacité à gérer des équipes. Le cas s’est produit chez FitnessBoutique (65 magasins dont 45 en franchise). Au départ, en 2011, quand le réseau a initié son développement en franchise, il a recruté principalement des passionnées de fitness. « Ils n’étaient pas assez vendeurs. Nous cherchons désormais des candidats avec des compétences de gestionnaires qui savent en plus renseigner des clients sportifs et passionnés » indique le service développement.
5/ Négliger l’importance des outils destinés aux franchisés (Formation, manop…)
Si le DIP et le contrat doivent pour des raisons légales être confiés à des avocats (ils décrivent les obligations du franchiseur envers son franchisé, la durée de la relation, les montants d’investissement, des redevances…), le franchiseur doit activement participer à la rédaction du manop (dans lequel sont recensés tous les éléments du savoir-faire). Ce travail fastidieux et chronophage est souvent négligé ou confié à des stagiaires. « Parmi les franchiseurs que nous avons interrogés, plus de la moitié ont fait faire leur manop en externe » constatait déjà Laurent Sié, professeur à l’ESC Paul dans une étude sur « comment franchiser son concept » publiée en 2012. Dommage car un bon manop, renseigné par le franchiseur, seul à connaître les rouages de l’activité, fait souvent les bons franchisés. Mohamed Soualhi, franchiseur en 2015 de Tacos Avenue (20 restaurants) a entendu le message. Il a passé des semaines à le rédiger pour finalement accoucher d’une bible de … 1300 pages.
Laurent Delafontaine avec V.Froger