SOMMAIRE
- 1/ Déséquilibre significatif
- 2/ Soutien abusif
- 2.1. Animation : entrez dans une coopération pleine avec votre Franchisé
- 2.2. Défaut d’assistance : gardez vos justificatifs
- 2.3. Fuyez tout risque d’ingérence
- 2.4. Restez dans un rapport proportionné
- 2.5. Evitez les impayés de marchandises
- 2.6. Soyez prudents avec les facilités de redevances
- 2.7. Ne sous-estimez pas les vertus de la franchise participative
Les notions de déséquilibre significatif et de soutien abusif sont bien connues des franchiseurs. Elles font peser sur eux de nombreux risques assortis de sanctions significatives (jusqu’à 5 millions d’€ d’amende), suite à différentes réformes (dont les Loi LME et Sapin II) et dans le cadre d’une application jurisprudentielle. Quand ce n’est pas la DGCCRF qui s’en mêle.
Le déséquilibre significatif s’analyse à l’aune du contrat, tandis que le soutien abusif concerne lui les difficultés rencontrées en cours d’exploitation – la crise du COVID ayant ravivé son intérêt. Être franchiseur c’est donc de plus en plus faire l’équilibriste.
Faut-il se réjouir ou bien déplorer ce climat généralisé de vigilance ?
Franchiseurs, comment procéder pour éviter l’ornière judiciaire et financière, sans tomber dans la surprotection ni faire de vos contrats des repoussoirs ?
Je propose ici aux franchiseurs quelques repères pour réduire leur risque d’exposition – sans évidemment les exonérer de soumettre leur contrat et leurs pratiques de soutien des franchisés à l’examen d’un avocat spécialisé.
1/ Déséquilibre significatif
1.1. Restez dans la réciprocité
Tout d’abord, restez ouverts à la négociation. D’une manière générale, il ne peut être inféré du seul contenu de certaines clauses du contrat, la soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif. Le franchisé doit apporter des éléments de contexte sur les conditions de leur négociation ou justifier avoir tenté de faire supprimer les clauses incriminée.
Ensuite, assortissez la maîtrise unilatérale de l’évolution du contrat de contreparties. Une faculté encadrée dans des conditions prédéfinies, sur certains aspects seulement et dans des limites prédéfinies auxquelles le franchisé a consenti en connaissance de cause.
Par ailleurs, si vous vous conférez un avantage sans en accorder la contrepartie, ayez un motif légitime à le faire. Et usez de l’absence de contreparties avec parcimonie.
Enfin, répartissez les risques du contrat de manière égalitaire. Par exemple, si l’exclusivité territoriale n’est pas une obligation du contrat de franchise, elle ne peut se combiner à une clause de non-concurrence pesant sur le franchisé. Un Tribunal de commerce a pu ainsi préconiser comme garanties (i) un droit de préemption du franchisé sur l’emplacement d’un ancien franchisé et (ii) la possibilité de résilier le contrat de franchise en cas d’installation d’un nouveau franchisé à proximité.
1.2. Ne négligez pas le principe de précaution
Fondamental dans la pratique des affaires, le principe de précaution trouve ici une application bienvenue. Avant-contrats, échanges de courriers, comptes rendus de réunions de négociation… tous les documents précontractuels peuvent démontrer que des négociations ont pu avoir lieu avec votre candidat.
Vous devez intégrer la faculté de négociation à la documentation contractuelle, en attirant bien l’attention sur ce point. Et inutile de rappeler que l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation impliquent une absence de négociation effective !
1.3. Ne perdez jamais de vue le principe de proportionnalité
Sans surprise, ce principe est le plus riche en illustrations, tant il apparaît en de nombreuses occasions. Quelques exemples :
- Droit de renouvellement : évitez de demander un montant identique au droit d’entrée initial. Votre franchisé étant devenu autonome, cela apparaîtrait difficile à justifier ;
- Horaires d’ouverture : nul besoin d’imposer un volume horaire important qui ne serait (i) pas justifié par le concept, (ii) indispensable à la cohérence / homogénéité du réseau, (iii) impropre à la situation particulière du point de vente et (iv) surtout, non-négociable ;
- Partage des données informatiques : la clause ouvrant au franchiseur les données informatiques du franchisé n’est pas mauvaise en soi. Mais elle s’apprécie au regard du contrat et des avantages que le réseau tout entier pourra tirer des remontées d’information ainsi organisées ;
- Durée contractuelle : elle doit rester proportionnée à la durée d’approvisionnement exclusif. Si votre clause est prévue pour 10 ans, ajustez-la à la durée du contrat, qui ne saurait l’excéder ;
- Résolution pour faute : vous ne pouvez prévoir votre indemnisation en cas d’annulation d’un contrat de location financière d’une machine résultant lui-même de la résolution du contrat de vente dudit matériel, alors que cette dernière ne découlerait pas d’une faute de votre franchisé ;
- Agrément du partenaire : serait disproportionnée une révocabilité ad nutum de cet agrément avec un préavis court, ou bien non applicable à des franchisés de certaines zones ;
- Conditions de cession / transmission : vous ne pouvez imposer une impossibilité de cession ou transmission du contrat du franchisé sans votre accord ;
- Langue et juridiction : un contrat requérant des langues différentes et des lieux de juridiction éloignés (ce fut le cas de l’ancien contrat Subway) compliquerait exagérément voire viserait à décourager les capacités de défense de vos franchisés ;
- Enfin, soyez vigilants aux jeux de clauses qui, combinées dans un sens qui vous est toujours favorable, jetteraient le discrédit sur votre bonne foi.
1.4. N’ayez pas peur de la transparence
Un effort de transparence rassure toujours quant au caractère équilibré d’une relation. Par exemple, si vous pratiquez une redevance de communication, soyez transparents sur l’emploi des fonds. Communiquez le budget projeté et expliquez, en Convention ou dans votre newsletter interne, cette allocation. Cela valorise votre travail de tête de réseau et éclaire aussi vos partenaires sur certaines réalités tarifaires.
Un défaut de transparence sur ce budget, pourtant mineur, susciterait le doute alors que vous réalisez un travail considérable tout au long de l’année !
1.5. Soyez précis en toute circonstance
Le déséquilibre tient parfois, aux yeux des juridictions, à l’imprécision de certaines notions. Par exemple :
- Si vous demandez au franchisé résilié de déposer les signes de ralliement du réseau dans un délai “raisonnable” », quantifiez ou précisez ce que vous entendez par “raisonnable” ;
- Si vous prévoyez la résiliation unilatérale du contrat pour “insolvabilité”, idem précisez à l’aune de quels critères ou fait générateur le franchisé serait devenu insolvable à vos yeux.
1.6. Entourez-vous de conseils sans attendre !
Le consultant en Franchise avec son expérience et ses benchmarks, ou l’avocat-conseil avec son expertise et sa maîtrise de la jurisprudence, vous aident à définir ab initio ce qui relève d’un avantage normal ou exorbitant. Ils tempèrent les ardeurs d’exploitants qui, bien que méconnaissant ces questions ne sont pas nécessairement animés de mauvaises attentions.
Peut-être tenez-vous à certaines clauses du contrat “déséquilibrées” mais vous souhaitez les conserver tant elles ressortissent de votre vision et volonté. L’avocat vous éclaire alors dans votre stratégie de compensation et vous suggérera des éléments pour compenser, donner le change, voire peser vers un rééquilibrage dans votre négociation future.
Attention cependant : pour démontrer que votre contrat n’est pas un contrat d’adhésion et a bien été négocié, il ne suffit pas qu’il comporte des clauses pré-écrites stipulant que le franchisé reconnaît qu’il a été négocié ou qu’il comprenne des « dispositions générales » et des « dispositions particulières ». Cela ne dupe personne.
Rappelons enfin que les candidats ne sont pas des personnes fragiles et incultes, mais des professionnels indépendants. Un DIP excessivement protecteur peut être d’autant plus challengé et éventuellement rejeté, qu’un candidat responsable et bien conseillé l’aura étudié comme il se doit.
Vous avez besoin d’un éclairage sur vos zones de risque en matière de déséquilibre significatif ? Contactez un consultant spécialisé.
2/ Soutien abusif
2.1. Animation : entrez dans une coopération pleine avec votre Franchisé
Rien n’encadre en soi l’obligation d’assistance si ce n’est la mise en œuvre du savoir-faire. Alors dotez-vous d’une force d’animation suffisante : selon Franchise Magazine, 91% des réseaux emploient au moins un animateur.
Ensuite, si vous voulez comprendre pourquoi l’entreprise de votre partenaire est en difficulté, demandez-lui d’accéder à ses comptes. Appuyez-vous au besoin sur votre expert-comptable pour établir le plus réalistement possible son incapacité à payer.
Les visites, même rapprochées, ne suffisent pas en soi : une fois votre analyse menée et vos constats dressés, adressez-lui des recommandations précises et concrètes.
2.2. Défaut d’assistance : gardez vos justificatifs
Un défaut potentiel d’assistance de votre part (formation insuffisante, absence de visites d’un animateur, défaut d’informations sur les évolutions de la législation concernant l’activité…) ne peut être prouvé par le franchiseur que sur une base précise. En conservant les pièces démontrant votre implication et des échanges, vous réduisez la capacité d’argumentation de la partie adverse.
2.3. Fuyez tout risque d’ingérence
Commande de stock, planification, résiliation de contrats de fourniture : ne prenez aucune décision à la place du franchisé. D’autant qu’un interventionnisme trop appuyé peut masquer une précarité avancée du commerçant. Précisons qu’en situation de sauvegarde, de RJ ou de liquidation judiciaire, la responsabilité des créanciers pourrait être évoquée en cas « de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties en contreparties de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ». Le risque ? Voir votre contrat requalifié en contrat de travail ou de gérant-mandataire de succursale.
2.4. Restez dans un rapport proportionné
Les concours et garanties apportés à votre franchisé doivent rester en rapport avec les périls encourus. Même s’ils sont successifs, répétés dans le temps ou liés à des moratoires, cela ne suffit pas à caractériser la disproportion. Après, l’appréciation de la proportionnalité n’est pas si simple : qualité du service prévu, sa contrepartie monétaire, voire la valeur de services équivalents apportée par les concurrents toutes choses égales par ailleurs…
Pour une analyse précise sur la base d’exemples jurisprudentiels, consultez votre avocat-conseil.
2.5. Evitez les impayés de marchandises
Des accords amiables de paiement peuvent toujours être envisagés pour au moins une partie des impayés. Attention s’il s’agit de fournisseurs : les impayés peuvent mener au bout de quelques factures à une notation à la Banque de France ! Et dans le cas où vous êtes aussi Centrale d’achat, vous risquez de lourdes pertes à trop vouloir soutenir votre partenaire.
2.6. Soyez prudents avec les facilités de redevances
Vous pouvez accorder des délais ou facilités de paiement en cas de difficultés de trésorerie, tant qu’elles restent ponctuelles et non-répétitives. A défaut, le droit bancaire peut vous emmener dans une situation de soutien abusif masquant une situation de dépôt de bilan.
En outre, une facture de redevance émise pèse comme charge sur vos comptes et fragilise votre situation. Alors en cas de difficultés de paiement constatées, n’émettez pas ces factures et appuyez-vous, par exemple, sur un avenant contractuel qui fixerait des règles de rééchelonnement de la dette.
2.7. Ne sous-estimez pas les vertus de la franchise participative
Si la doctrine reste prudente sur la formule, une participation dans la société de votre franchisé vous habilite à effectuer des apports en comptes courants pour conforter sa trésorerie, en cas de risque de dépôt de bilan.
Que cette montée au capital soit initiale ou en secours, elle n’évacue pas un débat de fond : le franchiseur a-t-il vocation à devenir le banquier de son franchisé, et ne tombons-nous pas dans une interprétation de plus en plus exorbitante du rôle du franchiseur ? Et gare à la qualification de prêt prohibé par l’article L. 511-5 du code monétaire et financier.
J’espère que ces quelques réflexions vous éclaireront. L’objectif n’est pas de subir cette injonction de vigilance mais bien d’en tirer parti pour progresser dans votre pratique professionnelle. Retenez d’une manière générale qu’en la matière, tout est affaire de bonne foi et de risques calculés😊
Que vous en doutiez ou partagiez mon point de vue, n’hésitez pas à entamer la discussion sur notre site ou la page LinkedIn Axe Réseaux.
Retrouvez également sur notre chaîne Youtube notre mini-série sur les fonctions clés des réseaux de franchise.
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