Le patron d’un réseau d’une cinquantaine de franchisés nous a récemment confié « qu’il s’inquiétait du non renouvellement de contrat de ses trois partenaires réalisant les meilleurs chiffres d’affaires ». Persuadé que ses animateurs sont des « experts » et que son concept est « inégalé », il ajouta qu’en quittant son réseau, aucun des trois ne pourrait faire mieux.
Mais pour conclure, il nous demande de regarder s’il existe un risque de « contagion » au sein de son réseau.
La formation des jeunes animateurs
Si l’animateur réseau doit avoir de bonnes connaissances du secteur d’activité ainsi que de chaque détail du manuel opératoire, il ne doit pas être un expert métier – au sens de technicien – comme le pense ce dirigeant de réseau. L’animateur doit maitriser les process de vente et bien connaître les produits et les services de l’enseigne. Mais, il faut avant tout qu’il comprenne le mode de fonctionnement d’un réseau d’indépendants et surtout, les secrets d’une bonne relation franchiseur-franchisé.
Lorsque l’animateur réseau est plus âgé que son franchisé, ce dernier l’accepte plus facilement (pas systématiquement). Mais dans le cas inverse, les dirigeants de réseaux négligent souvent de former leurs animateurs à la relation de non subordination qui découle de leur contrat de franchise. Et, de rappeler que les franchisés ne sont pas « ses collaborateurs indépendants », mais « des Entrepreneurs indépendants ».
Le cycle de vie de l’animation
Lors des premières semaines qui suivent l’ouverture, le franchisé sollicite régulièrement les services de son animateur. Ce dernier a un rôle passif de « pompier » chargé de répondre aux dysfonctionnements. Et ce, au détriment de son supposé rôle d’animateur actif, garant de la bonne image de marque et du respect des process. L’animateur va montrer des gages de considérations destinés à rassurer son franchisé dans l’atteinte de l’équilibre économique de son exploitation.
Après une certaine période, le franchisé qui prend de l’assurance désire rendre l’ascenseur au réseau. Il peut recevoir les futurs candidats, apporter ses conseils à d’autres franchisés, participer à des commissions thématiques… Et, au fur et à mesure que la rentabilité de son investissement se dévoile, il va prendre de l’autonomie dans sa relation avec son animateur.
En phase de maturité, le franchisé réalise qu’il est devenu un chef d’entreprise qui maitrise son concept, qui gagne de l’argent et, qui prodige des conseils opérationnels que son animateur va dupliquer dans le réseau.
Cette inversion des rôles induira une réflexion naïve, sur la justification du taux de redevance mensuelle et, sur ce que représenterait le gain de ces quelques pourcents de marge en plus dans son compte d’exploitation.
L’assistance = « Seconder, aider quelqu’un dans son activité »
Pour maintenir ce lien de dépendance, l’animateur doit régulièrement analyser la performance globale des points de vente de sa zone. Il doit se servir d’informations provenant de ses visites terrain et de ses reporting pour faire progresser les franchisés gérés dans son périmètre. Et, pour corroborer l’objectivité de ses remontées d’informations, il devra faire appel à des clients mystères, chargés d’évaluer des points contrôle définis.
La présence de l’animateur et son assistance rassurent les franchisés même s’ils ne le montrent pas. Après avoir suivi la formation initiale et épluché le manuel opératoire transmis, les franchisés s’imaginent qu’ils maitrisent le nouveau métier qui leur a été appris. Confiant dans leurs réussites, ils vont se persuader qu’au fur et à mesure que leur chiffre d’affaires – et par voie de conséquences les royalties qu’ils règlent – progresse, l’assistance de l’animateur diminue.
A l’approche de l’échéance du contrat, certains franchisés réalisent qu’ils payent toujours plus de royalties pour toujours moins d’assistance. Avec l’aide d’un avocat, quelques-uns pourraient même faire constater un savoir-faire peu actualisé et inapplicable dans leur quotidien. Ce risque de non-renouvellement est probablement plus important au sein du tiers de franchisés performant que du tiers de franchisés en difficulté. Quant au tiers de suiveurs, ils n’emprunteront cette alternative qu’en cas de non-renouvellement massif constaté. Et ils suivront. D’où le risque d’anticiper une contagion.
Le maintien de visites régulières auprès des bons éléments du réseau permet souvent de juguler cette tentation de non renouvellement.
David Borgel